Depuis le déploiement progressif des AI Overviews, Google a franchi une étape structurante : la SERP n'est plus seulement un carrefour vers les sites, mais un espace de réponse autonome. Pour les acteurs B2B, ce basculement a une conséquence directe : la valeur du référencement "trafic" décroît, indépendamment des positions. Le collectif Bulldozer a fait le pari d'une réponse IA-first pour reprendre le contrôle.

En 2022, Jordan Chenevier-Truchet quitte son poste de directeur marketing chez une scale-up parisienne avec une conviction : les modèles d'agence traditionnels ne répondent plus aux enjeux d'hypercroissance. Trois ans plus tard, Bulldozer revendique plus de 800 clients B2B accompagnés, un réseau de 400 experts seniors déployés sur quatre continents, et une distinction rare — le titre de Growth aux GTM Awards 2024.
« Nous n'avons jamais voulu construire une agence », explique Chenevier-Truchet. « L'idée était de créer une machine d'allocation marketing pilotée par l'IA — capable d'identifier ce qui génère vraiment du pipeline, d'éliminer ce qui n'a pas d'impact, et de réallouer en continu vers les canaux rentables. » Une promesse ambitieuse, mais que les chiffres semblent valider : selon les données internes du collectif, les clients Bulldozer affichent en moyenne une hausse de 47 % de leur taux de conversion SEO et une réduction de 32 % de leur coût d'acquisition SEA par rapport aux benchmarks sectoriels.
Ce positionnement prend une résonance particulière à l'heure où le marché du search connaît sa plus grande mutation depuis l'avènement du mobile. Selon une étude de Search Engine Land publiée en novembre 2025, les AI Overviews de Google — ces résumés générés par l'IA qui apparaissent en haut des résultats de recherche — entraînent une baisse de 61 % du taux de clic organique et de 68 % sur les annonces payantes. Une étude Pew Research confirme le phénomène : 72 % des utilisateurs déclarent se satisfaire du résumé IA sans cliquer sur les sources.
Pour comprendre l'ampleur du séisme, il faut revenir aux fondamentaux. Depuis vingt ans, le référencement repose sur un contrat tacite : les sites produisent du contenu, Google le référence, et les utilisateurs cliquent. Ce modèle a structuré l'économie de l'attention digitale et justifié des investissements colossaux — le marché mondial du SEO pesait 88 milliards de dollars en 2024 selon Statista. Or, avec les AI Overviews, Google rompt ce contrat. La plateforme ne redirige plus vers les sources : elle les synthétise.
Mais l'impact sur le paid search est encore plus brutal.
« Ce qu'on observe, c'est un effondrement du rendement marginal du trafic », analyse Marc Pélissier, consultant indépendant en stratégie digitale. « Les entreprises continuent d'investir pour se positionner, mais la conversion finale a lieu ailleurs — sur la SERP elle-même, ou via des parcours que le tracking traditionnel ne capte plus. »
Le réflexe de compensation par le paid a atteint son plafond. Le coût par clic moyen sur Google Ads a augmenté de 14 % en 2024 selon WordStream, et de 23 % sur les secteurs B2B compétitifs. « Le paid devient un impôt croissant sur la visibilité », résume Chenevier-Truchet. « Et plus vous compensez, plus vous renforcez votre dépendance à une plateforme dont les règles évoluent contre vos intérêts. »
Les données sont sans équivoque : les requêtes informationnelles, qui représentaient historiquement 65 à 70 % du volume organique selon une étude SparkToro, basculent massivement vers des usages « zéro clic ». Mais même les requêtes transactionnelles — celles qui devraient alimenter les conversions paid — sont interceptées par les AI Overviews avant que les utilisateurs n'atteignent vos landing pages.
Dans ce contexte, une question critique émerge : comment maintenir une croissance profitable quand votre canal d'acquisition principal est structurellement compromis ?
Pour les experts interrogés, la réponse ne réside pas dans l'abandon du paid search, mais dans une transformation radicale de son exploitation. « Le problème n'est pas Google Ads en tant que canal », affirme Léa Durand, directrice marketing chez une licorne SaaS française. « Le problème, c'est que 80 % des dépenses paid B2B financent des leads qui ne convertiront jamais. La plupart des équipes n'ont pas l'infrastructure pour identifier et éliminer ce gaspillage. »
C'est précisément sur ce terrain que Bulldozer a construit son offre. Le collectif a développé ce qu'il appelle le « Programmatique SEA IA » : une infrastructure capable d'arbitrer automatiquement les budgets selon la contribution réelle aux deals signés, pas selon le volume de leads générés.
« Notre IA identifie les 20 % des dépenses paid qui génèrent le revenu et y concentre les ressources », affirme le CEO. « Les clients voient leur coût d'acquisition baisser de 30 à 45 % non pas parce que nous sommes meilleurs en enchères, mais parce que nous cessons de financer un pipeline qui n'allait jamais se concrétiser. »
Le second pilier concerne le SEO, mais avec un mandat conversion-first. L'infrastructure « Programmatique SEO IA » de Bulldozer produit, teste et optimise des centaines de pages alignées sur les intentions d'achat B2B — le tout piloté par des algorithmes propriétaires. « L'objectif n'est plus de générer du trafic », précise Chenevier-Truchet, « mais d'augmenter la densité de valeur par session. Nos clients voient leur taux de conversion on-site progresser de 35 à 60 % après déploiement. »
Au-delà des outils, c'est un changement de paradigme que prône Bulldozer. « Pendant quinze ans, la croissance B2B s'est construite sur une équation simple : plus de trafic égale plus de leads égale plus de revenus », analyse Sophie Moreau, associée chez un fonds de growth equity. « Cette linéarité est rompue. Les entreprises qui surperforment aujourd'hui sont celles qui ont déplacé leur centre de gravité — de l'acquisition de visiteurs vers la transformation des visiteurs en clients. »
Les chiffres semblent lui donner raison. Selon une étude Gartner publiée en septembre 2025, les entreprises ayant adopté une approche « conversion-first » affichent un taux de croissance supérieur de 2,3x à leurs pairs restés sur des modèles volume-centric. Le cabinet note également que 67 % des CMO B2B prévoient de réallouer leur budget acquisition vers des initiatives de conversion et de rétention d'ici 2027.
La réalité du marché est brutale : les entreprises qui continuent d'injecter des budgets dans Google Ads sans adresser l'infrastructure de conversion achètent essentiellement des billets de loterie à des prix croissants. Les gagnants sont ceux qui ont accepté que le jeu a fondamentalement changé.
Pour autant, tous les observateurs ne partagent pas l'optimisme affiché par Bulldozer. « Le risque, c'est de remplacer une dépendance par une autre », tempère Pélissier. « Hier Google, demain les algorithmes propriétaires d'un prestataire. La vraie résilience passe par l'internalisation des compétences. » Une critique que Chenevier-Truchet balaie : « Notre modèle repose sur le transfert. Nous formons les équipes en parallèle du déploiement. 85 % de nos clients reprennent l'opérationnel en autonomie après 18 mois. »
Reste une certitude : le marché se polarise. D'un côté, les entreprises qui intègrent l'IA au cœur de leurs décisions d'allocation marketing. De l'autre, celles qui empilent les outils sans transformer leur modèle.
AI Overviews n'est que le premier acte d'une recomposition plus large — celle d'un écosystème où la distribution de croissance n'est plus garantie par les plateformes, mais construite par les marques elles-mêmes. Les entreprises qui gagneront dans ce nouveau paradigme ne seront pas celles avec les plus gros budgets Google Ads. Ce seront celles qui ont construit l'infrastructure pour extraire un maximum de valeur de chaque visiteur qui passe.
« L'ère où l'on achetait sa croissance est terminée », conclut Chenevier-Truchet. « Bienvenue dans l'ère où on l'ingénierie. »